dimanche 6 juin 2010

Policier adjectif ou Fire Urban Kaos


Quel bonheur de sortir en semaine et d’attendre plus de 15 min un RER pour rentrer ! Pour adopter la  « zen attitude » une balade dans Paris by night s’est imposée. Comment rejoindre Châtelet d’une manière plus plaisante à partir de Saint Michel que passer par Notre Dame. Mais admirer la belle dame dans la nuit peut vite devenir un défi quand il y a trop de touristes. Ou quand « Fire Urban Kaos » se produit en extérieur, comme ce jeudi soir.  
Au pied de Notre Dame un spectacle étrange de feu et de flammes ont enchanté les touristes venus à l’origine pour admirer la belle dame au clair de lune. Quatre garçons extrêmement doués dans l’art et la maîtrise du feu et de la jonglerie nous ont ébahi ce soir.
Réunis autour d’une association, ils se donnent pour but de promouvoir l’art de rue à travers leurs spectacles improvisés. Jongleurs et cracheurs de feu sont au rendez vous. Mais le meilleur reste pour la fin : un feu d’artifice vivant qui semble prendre corps autour de son maître. J’ai essayé de prendre quelques photos mais comme je n’avais pas de matériel adapté, je m’excuse pour la qualité visuelle de ces prises. Mais je tiens à leur rendre hommage quand même car il est rare de voir une prestation aussi époustouflante dans la rue.
Dommage que des gens aussi doués et travaillant dur doivent vivre et se nourrir de la bonne volonté de touristes. Passez les voir la nuit, dans la rue. Ils sont souvent près de Notre Dame.

Mais le but de ma chronique est de vous inciter à aller voir « Policier Adjectif » le dernier film de Corneliu Porumboiu, gagnant de la Caméra d’Or du Festival de Cannes 2007 avec "12h08 à L’Est de Bucares". Cette fois il revient avec une sorte de polar autour d’un jeune policier en proie à des difficultés morales concernant l’arrestation d’un présumé dealer de drogue.
A l’époque où l’iPad vient de sortir et où « le policier du dimanche » comme « Les Experts » a la cote, Porumboiu à l’audace de nous plonger dans la Roumanie profonde et ses fonctionnaires. Avant de voir ce film il faudra juste avoir en tête que celui-ci présente une enquête faite en 2009. On est face à un film sur le langage et non pas à une enquete policière. Et si vous avez en tête ces deux éléments importants vous allez vous marrer. Sinon, vous allez juste vous ennuyer terriblement sans rien comprendre et vous dire que ce film est sans intérêt. Regardez tous ces détails qui frappent : ces ordinateurs qui ne supportent même pas Windows 95 et qui ne sont d’ailleurs jamais utilisés, la filature qui se fait à pied faute de voiture, les vêtements des personnages qui vous donnent l’impression d’être dans les années 80, la routine de ce policier si bien décrite par ses habitudes.  L’expression parisienne « Metro boulot dodo » pourrait être traduite dans ce film par « boulot, bouffe, marche ». Je n’ai jamais vu dans un polar un personnage qui marche autant que ce pauvre policier en quête de vérité autour de son enquête. La moitié de ce film passe dans les plans de marche, un quart dans la bouffe et l’autre quart dans la rédaction et la lecture des rapports de filature.
Remarquez aussi son collègue de travail qui ne fait que lire le journal pendant la journée. Il est juste extraordinaire qu’il arrive à être payé en fin de mois sans travailler. Et quand on est fonctionnaire on a aussi des rapports à rendre. Il va de soi que ces rapports vont être écrits à la main. Et que ses auteurs devront faire attention à leur orthographe. Si vous vous demandez quelle est la signification du titre du film, vous allez le comprendre dans la dernière scène. Celle où le chef démontre aux deux policiers que l’usage d’un dictionnaire peut servir à élucider un cas aussi compliqué que celui de la conscience policière.
Le grand pragmatisme roumain est aussi au rendez vous. Regardez cette scène fabuleuse de la chanson et sa traduction si bien faite par le personnage. « Que serait la mer sans le soleil ? » Si la chanson use de symboles (l’éternité exprimée par la mer sans la chaleur humaine dont le symbole est le soleil), d’après le personnage principal, « la mer sans le soleil sera toujours la mer ».
Pour résumer, je peux vous dire que les acteurs sont formidables, que la musique est délicieusement minable, et que la mise en scène est réellement astucieuse.
Nous sommes face à un film sur le langage et son rôle dans le rapport avec l’humain. Je trouve intéressant de parler de linguistique en prenant comme alibi une enquête policière où on doit se baser sur des faits et la loi judiciaire et où il n’y a pas de place pour l’interprétation. Le réalisateur a la lourde tâche de parler de langage à travers l’image et le son. La position du langage et de la loi est au cœur du film. La loi au sens juridique du terme est mise en question. Le concept de loi ne devrait pas donner lieu à une interprétation. Et pourtant à travers son propre vécu et sa propre morale ces deux éléments peuvent être interprétés différemment.

Un seul bémol : le film n’est distribué que dans quelques cinémas indépendants. Malgré sa qualité et son humour les salles ne sont pas pleines. Autant vous prévenir : si vous vous attendez à voir un énième film policier, vous allez être déçu. Mais si vous avez un peu de temps, allez voir ce film qui cache bien plus qu’un simple film policier.

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